Ne restons pas entre chiens et loups

Depuis mon récent déménagement à l’autre bout du monde, celui qui me fait évoluer dorénavant dans un fuseau horaire assez éloigné du votre, j’ai fait la connaissance de quelques nouveaux collègues de bureau dont l’un avec qui je partage chaque matin un deuxième café et quelques pensées avant que l’on se mette au boulot. Nous parlions l’autre jour de nos parcours respectifs qui nous avaient mener à nous expatrier loin de l’Europe et des différentes activités que nous avions en dehors du travail, le besoin que nous éprouvions de faire « autre chose ».
Rapidement, mais sans donner plus de details, j’ai partagé mon plaisir d’écrire, et notamment de rédiger des textes pour des sites d’informations ou des blogs, ce blog, et je lui contais avec regret comment j’en étais arriver à ne plus produire de texte, devenu muet faute de savoir quoi dire d’intéressant. Plutôt que d’argumenter et d’entamer une discussion sur le fait de savoir se taire lorsque l’on n’a rien de pertinent à partager – je me souviens de l’Orateur de ma Loge qui, le jour de mon passage au degré de Compagnon, m’avait rappeler que « si le silence et plus beau que la parole, alors tais toi ! » – il me demanda simplement si l’absence d’écriture ne me manquait pas.J’ai trouvé cela touchant et j’ai souris pour éluder la question mais à vrai dire, je crois qu’effectivement, il avait mis le doigt sur quelque chose d’assez juste.
Ecrire sur un blog comme celui-ci nécessite t’il d’avoir quelque chose d’intéressant à dire ? Je crois que cela est mieux, mais sans doute pas nécessaire. Si cela me permet de m’adonner à une activité qui me plaît et m’entraîne à respecter une certaine rigueur, alors mis à part le saignement que mes textes risquent de provoquer dans vos yeux, il n’y a sans doute pas de mal à m’imaginer recommencer à peupler quelques recoins de la toile de ma prose futile.

Mais voila, à peine je me décide à repasser à l’action que déjà je m’arrête, plein de doutes quant au sujet à traiter. Dois-je réagir à quelque chose qui me déplaît ? Dois-je partager ce que d’autres pensent et disent beaucoup mieux que moi ? Dois-je me faire le relais d’une information que tout le monde peut trouver s’il s’intéresse un tant soit peu au sujet ? Dois-je me taire et écouter, lire ? Dois-je prendre le risque d’écrire ?
Lorsque je me promène sur la toile, 90% ce que j’y trouve est constitué de vociférations creuses de pseudos experts auto-proclamés se prenant tantôt pour des critiques de cinéma, tantôt pour des journalistes politiques, ou des philosophes. Ils parlent, parlent, répondent à tous, ont un avis sur tout, et mettent leur point de vue au même niveau que celui de grands savants sous couvert qu’ internet représente un lieu de liberté d’expression. Internet devient surtout un lieu de confusion ou les egos se chauffent à rouge, ou les mensonges s’auto nourrissent, ou les complots affluent et ou la rigueur se dilue dans une masse de bêtise et d’erreurs. Comment trouver sa place au milieu de tout ce souk ? Je ne veux pas être de cette catégorie.
Je ne prétend pas non plus pouvoir en être en dehors. Après tout, je n’ai moi non plus pas de diplôme de journaliste, je ne comprends pas grand chose à la Politique, à l’Economie, à la Science ou à la Philosophie. J’essaye… mes erreurs et mes maladresses sont aussi involontaires que nombreuses…

Ce soir, je vais en tenue, si jamais je prends la parole, tout le monde m’écoutera et respectera ce que j’aurais dit. Peut être, intérieurement, certains penseront ils que cela était un tissu d’âneries, mais ils auront la gentillesse de ne pas me le dire, de ne pas le faire remarquer aux autres non plus, de ne pas rebondir à chaud pour pointer d’une grosse flèche brillante et d’un rire gras mon erreur, étalant par la même leur science qu’ils savent supérieure à la mienne.
C’est sans doute ce respect indéfectible de la parole d’autrui qui en facilite l’expression. Et c’est peut être cet acharnement à afficher sa supériorité à travers des commentaires agressifs et humiliants qui pousse certains à se taire.
Voila quelques années, lorsque j’écrivais sur LePost, lePlus ou Mediapart, j’ai fait parfois l’objet de critiques très acerbes et je reconnais que cela peut déstabiliser. Il n’est plus question de défendre son point de vue, d’ailleurs un peu de sagesse suffit à relativiser ce que l’on tient pour vrai ou juste ; par contre, cela peut décourager.
Dans le même domaine, j’ai eu une activité très importante sur les forums de discussions. Malheureusement, les interventions partagent souvent la même recette : agressivité, bêtise, humiliation.

Ecrire est effectivement un plaisir pour moi, et je ne considère absolument que ce que je pourrais dire ici ou là soit de nature à changer le monde. Je ne suis pas en quête de reconnaissance, je suis plus attiré par l’idée de susciter une réflexion, de nourrir la mienne, mais pour cela, il faut que tout le monde garde à l’esprit que nous ne faisons qu’échanger calmement, humblement des points de vue. Il n’y a pas de vérité, il n’y a que de la rigueur intellectuelle et de la bonne foi. Tout le reste n’est que parasite qui engendre le silence des uns et des autres.
Si à la fin, il n’y a que ceux qui aboient, ce que l’on remarquera ne sera que le cri des loups.

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